Pratiques anticoncurrentielles: risque accru de mise en jeu de la responsabilité pénale des personnes physiques

Amende de 76,6 M€ pour une décision marquante à plus d’un titre !

Focus sur le recours à la procédure pénale par l’Autorité de la concurrence

Décision 24-D-06

Imaginez, au milieu de votre réunion de travail à l’extérieur, des policiers font irruption, saisissent tous les documents présents, tous les ordinateurs, tous les téléphones, et placent tout le monde en garde-à-vue.

Au même moment, le siège de votre entreprise est perquisitionné.

Vous apprenez en garde-à-vue que votre téléphone a été mis sur écoute.

Êtes-vous un baron de la drogue, un parrain de la mafia, un espion ?

Rien de tout cela… Vous vous entendez depuis des années avec vos concurrents notamment pour fixer en commun les prix sur votre marché et pour vous répartir les appels d’offres de manière « équitable ».

Vous faites l’objet d’une enquête « circulaire ». De quoi s’agit-il ?

De deux enquêtes parallèles menées par l’Autorité de la concurrence (visant les entreprises) et le Parquet (visant les personnes physiques moteurs dans la réalisation des pratiques anticoncurrentielles), chacune prenant le relais de l’autre en utilisant les pouvoirs qui lui sont propres. Cette collaboration permet un partage des éléments recueillis entre les autorités.

Plus concrètement, dans cette affaire :

  • L’Autorité de la concurrence a reçu des indices anonymes de pratiques anticoncurrentielles dans lesquelles des personnes physiques nommées auraient pris une part personnelle et déterminante. Estimant ne pouvoir les exploiter elle-même, elle les a transmis au procureur de la République en invoquant l’obligation de toute autorité qui a connaissance d’un crime ou d’un délit de l’en aviser (article 40 du code de procédure pénale).
  • Le procureur a ouvert une enquête pénale et saisi un juge d’instruction.
  • De cette manière des pouvoirs d’enquête plus poussés que ceux de l’Autorité ont été utilisés (écoutes téléphoniques et garde-à-vue).
  • Des rapporteurs de l’Autorité ont participé à l’enquête pénale à la demande du juge d’instruction.
  • Les éléments de preuve obtenus ont été transmis par le juge d’instruction à l’Autorité pour être utilisés dans sa procédure.

Cette façon de procéder est-elle acceptable ou y a-t-il détournement de procédure ?

Pas de détournement de procédure :

  • Les juridictions pénales ont confirmé sa légalité et constaté que les éléments transmis au procureur permettaient d’établir l’existence d’une infraction commise par des personnes physiques de l’entreprise, ce qui excluait tout détournement de procédure.
  • L’Autorité rappelle que les procédures administrative et pénale sont parallèles et indépendantes et peuvent donner lieu à une coopération entre les autorités. Il n’est nul besoin d’une qualification préalable de pratique anticoncurrentielle par l’Autorité de la concurrence pour que le Parquet soit saisi des pratiques des personnes physiques.
  • Les pièces du dossier pénal qui ont été annulées par les juridictions pénales ont été écartées du dossier de l’Autorité.

Pas évident de contester cette voie procédurale!  La décision est encore susceptible d’appel: à suivre!

Cette décision met en évidence l’intérêt des formations de sensibilisation au droit de la concurrence et l’engagement de conformité des dirigeants.

Nous pouvons venir former vos équipes !

 

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