Le cumul sans limite des sanctions administratives est jugé conforme à la Constitution par le Conseil Constitutionnel

La question d’un cumul sans limite des sanctions administratives présente un enjeu particulier face à leur multiplication dans les textes régissant les négociations commerciales, mais aussi dans le droit de la consommation (obligation d’information précontractuelle, clauses abusives, garanties, etc…).

Or le Conseil constitutionnel a jugé ce cumul sans limite conforme à la Constitution dans sa décision du 25 mars 2022 – 2021-984 QPC.

L’historique de l’affaire

  • Sanction d’Eurelec le 28 août 2020 à hauteur de 6,34 millions d’euros pour ne pas avoir respecté la date du 1er mars pour 21 conventions annuelles en 2019.
  • Contestation de cette décision devant le tribunal administratif (TA) de Paris.
  • Dans le cadre de cette procédure Eurelec a présenté la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) en cause.
  • Sanction d’ITM alimentaire le 22 février 2022 à hauteur de 19,2 millions d’euros pour ne pas avoir indiqué les éléments de coopération commerciale facturés par des centrales à l’étranger dans 61 conventions annuelles en 2021.
  • Intervention d’ITM devant le Conseil constitutionnel pour appuyer la position d’Eurelec.

De quoi parle-t-on précisément ?

L’article L. 470-2 VII dispose : “Lorsque, à l’occasion d’une même procédure ou de procédures séparées, plusieurs sanctions administratives ont été prononcées à l’encontre d’un même auteur pour des manquements en concours, ces sanctions s’exécutent cumulativement.

Auparavant à la fin de la phrase il était indiqué : “dans la limite du maximum légal le plus élevé.

La loi Sapin 2 a supprimé cette limite. C’est donc le texte dans cette version “sans limite” qui était soumis au Conseil constitutionnel.

Deux moyens d’inconstitutionnalité ont été présentés :

  • Le premier moyen est que la définition des “manquements en concours” n’existe pas, ce qui contreviendrait au principe de légalité des délits et des peines. Le Conseil rejette cet argument en donnant une définition de cette notion. Il s’inspire, sans le dire, de la définition du concours d’infractions en droit pénal (article 132-2 du code pénal) : “7. Selon les dispositions contestées, lorsqu’un manquement à ces règles a été commis par une personne avant que celle-ci ait été définitivement sanctionnée pour un autre manquement, les sanctions administratives prononcées à son encontre s’exécutent cumulativement.
  • Le deuxième moyen est la méconnaissance du principe de nécessité et de proportionnalité des peines. Eurelec et ITM estimaient que leur affaire donnait un exemple flagrant de violation de ces principes.

Le Conseil répond de manière claire et sans appel : “Aucune exigence constitutionnelle n’impose que des sanctions administratives prononcées pour des manquements distincts soient soumises à une règle de non-cumul“.

Enfin, le Conseil indique que le texte n’interdit pas à l’administration de moduler le niveau de la sanction, sous le contrôle du juge, en fonction des manquements, de leur gravité, et de leur répétition.

Le moyen est donc écarté.

Et maintenant ?

La prochaine étape de cette affaire sera la décision au fond du TA de Paris sur la sanction d’Eurelec.

Il suivra peut-être l’invitation du Conseil constitutionnel, faite à demi-mot, de moduler la sanction d’Eurelec en fonction notamment de la gravité et de la répétition des manquements.

De notre côté nous continuons à réfléchir sur cette question à enjeu !

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