Pratiques déloyales au sein de la chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire : publication de l’Ordonnance de transposition de la Directive 2019/633

La Directive 2019/633 harmonise le socle européen d’interdiction des pratiques commerciales déloyales entre les professionnels en établissant une liste minimale de pratiques interdites dans les relations entre acheteurs et fournisseurs du secteur agricole et alimentaire.

Prise en application de l’article 9 de la loi du 3 décembre 2020, dite Loi DDADUE, l’Ordonnance n°2021-859 a été publiée au JO du 1er juillet 2021. Elle maintient le niveau de protection élevé instauré par le droit français des pratiques restrictives.

Ses dispositions seront applicables à compter du 1er novembre 2021 aux contrats conclus postérieurement à sa publication. Les contrats en cours d’exécution à sa date de publication seront mis en conformité dans un délai de douze mois.

On retiendra principalement de ce texte :

  1. Les mesures sont d’application large et pourront protéger les PME comme les grands groupes, indépendamment de leur chiffre d’affaires. A l’inverse, la Directive 2019/633 prenait en compte, via des seuils de chiffres d’affaires, les rapports de force entre les partenaires commerciaux.
  1. Il instaure trois nouvelles pratiques restrictives de concurrence spécifiques aux acheteurs de produits agricoles ou alimentaires:
  • L’interdiction d’annuler une commande à trop brève échéance, c’est-à-dire dans un délai inférieur à trente jours, voire dans un délai plus réduit à définir par décret pour certains produits, domaines ou type d’acheteurs ;
  • L’interdiction d’obtenir, d’utiliser ou de divulguer illicitement le secret des affaires ;
  • L’interdiction de refuser de confirmer par écrit les conditions d’un contrat portant sur des produits agricoles et alimentaires.
  1. Il part du postulat que les autres pratiques visées par la Directive sont d’ores et déjà interdites en droit français car comprises dans les interdictions générales des avantages sans contrepartie, déséquilibres significatifs et ruptures brutales, pénalités disproportionnées, retours ou refus de marchandises ou déductions d’office de pénalités. Il évite ainsi de revenir à un inventaire sans fin des pratiques restrictives et préserve mieux le principe d’application à tous les secteurs de l’économie du droit des pratiques restrictives de concurrence.

On rappellera toutefois que la Directive interdit per se les pratiques suivantes :

  • La modification unilatérale des conditions de fourniture,
  • Les demandes de paiement sans lien avec la fourniture des produits,
  • L’indemnisation de la perte ou de la détérioration des produits sous le contrôle ou la propriété de l’acheteur sans faute du fournisseur,
  • Les représailles ou menaces de représailles lorsque le fournisseur exerce ses droits,
  • La demande de participation au coût d’examen des plaintes consommateurs alors qu’elles ne procèdent pas d’une faute du fournisseur.

On peut se demander si ces pratiques tombent, sans discussion possible, sous le coup des interdictions existant dans le Code de commerce et, par conséquent, si la transposition a minima est parfaitement adaptée. La liste de la Directive restera donc une référence utile aux victimes de ces pratiques pour en demander l’interdiction.

La Directive prévoit aussi l’interdiction de certaines pratiques, sauf à ce qu’elles soient formalisées par écrit. Il s’agit du renvoi des invendus sans les avoir payés ou sans payer pour leur destruction et du paiement de certains services (mise en rayon notamment) ou promotions. Certes, les dispositions combinées du Code de commerce et du Code rural offrent sans doute une protection au moins équivalente à celle voulue par la Directive. Toutefois, on regrettera une transposition plus fidèle qui aurait forcé la France à faire le tri dans les dispositions sectorielles extrêmement complexes applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires…

  1. Il impose des réductions des délais de paiement pour certains produits agricoles ou alimentaires.

Il modifie le délai de paiement plafond pour les denrées alimentaires périssables en l’absence d’approvisionnement régulier entre le vendeur et l’acheteur. L’article L.441-11 du Code de commerce prévoyait un délai de 30 jours après la fin de la décade de livraison. Il prévoit désormais un délai de 30 jours après la date de livraison ou bien, en cas de facturation périodique, de 30 jours après la fin de la décade de livraison.

D’autres modifications de délais interviennent pour les achats concernant les vins, les raisins et les moûts destinés à l’élaboration de vins, les fruits et légumes ainsi que pour les achats de produits destinés à être exportés en l’état hors de l’UE.

  1. Il étend aux produits périssables ciblés à l’article L.443-2 du Code de commerce le régime du mandat obligatoire applicables aux produits de grande consommation visant à encadrer les avantages consentis directement par le fournisseur aux consommateurs.
  1. Il ajoute une mention complémentaire dans les contrats de mandats obligatoires conclus pour les produits de grande consommation lorsque le fournisseur accorde directement un avantage au consommateur: il conviendra de préciser la « quantité prévisionnelle » (article L.441-4 VIII du Code de commerce).

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