Quoi de neuf dans le projet de règlement d’exemption par catégorie des accords verticaux ?

Après une première consultation, la Commission a publié le 9 juillet dernier le projet du règlement d’exemption par catégorie des accords verticaux (https://ec.europa.eu/competition-policy/system/files/2021-07/draft_revised_VBER.zip), qui aura vocation à remplacer le règlement n°330/2010 le 1er juin 2022, ainsi qu’un projet de lignes directrices explicitant les conditions de son application (https://ec.europa.eu/competition-policy/system/files/2021-08/draft_revised_vertical-guidelines.zip). Ces projets sont soumis à consultation jusqu’au 17 septembre 2021.

Cette note a pour objet d’identifier les modifications apportées par ces projets qui ont retenu notre attention.

 

  • On y voit plus clair !

La Commission affirme avoir fait preuve de pédagogie : cet effort sera apprécié, tant à la lecture des textes en projet que de la note explicative qui les accompagne (https://ec.europa.eu/competition-policy/system/files/2021-07/draft_VBER_and_vertical-guidelines_explanatory%20note.zip).

On constatera notamment de nouvelles définitions inscrites dans le projet de règlement -fournisseur, système de distribution exclusive, ventes actives, passives, ainsi que celle des restrictions qui leurs sont apportées – lesquelles éclairent sur les orientations du nouveau texte. A titre d’exemple, selon ces définitions :

  • Les plateformes d’intermédiation sont assimilées au fournisseur.
  • La distribution exclusive autorise la nomination de plusieurs distributeurs pour un même territoire ou une même clientèle – dans une telle configuration les ventes ne pourront être restreintes entre distributeurs partageant une exclusivité.
  • Les restrictions aux ventes sur Internet sont celles qui font perdre son effectivité à ce canal de vente.

Le texte explique également, par mode de distribution (exclusif, sélectif ou ouvert), les restrictions de revente autorisées. Il explicite ainsi la façon dont un fournisseur pourra choisir les systèmes de distribution les plus adaptés dans différents territoires, et pourra imposer le respect de ces choix à ses distributeurs quel que soit leur statut. Par exemple, un distributeur sélectif devra respecter les exclusivités territoriales consenties sur un autre territoire. Réciproquement, un distributeur exclusif devra s’abstenir de toute vente, même non sollicitée, à des distributeurs non agréés établis sur un territoire réservé à la distribution sélective.

  • Vigilance relative vis-à-vis des situations de double distribution

Jusqu’à présent, l’exemption bénéficiait sans restriction aux accords verticaux non réciproques entre un fournisseur et un distributeur, quand bien même le fournisseur concurrençait son distributeur via des magasins détenus en propre ou un e-shop.

Cette règle est étendue aux grossistes et importateurs.

Toutefois, le développement de ces schémas du fait de la volonté des fournisseurs de vendre davantage en direct aux utilisateurs finals, conduit la Commission à proposer de restreindre le bénéfice de l’exemption aux schémas de double distribution de moindre importance (part de marché cumulée sur le marché de la vente au détail ne dépassant pas 10%), cette qualification devant être d’interprétation stricte. Pour les autres, et jusqu’au seuil de 30%, ils restent exemptés à l’exception des aspects relatifs aux échanges d’informations, qui devront être évalués conformément aux règles applicables aux accords entre concurrents.

  • Les plateformes d’intermédiation en ligne sous haute surveillance

En revanche, les situations de double distribution impliquant des fournisseurs de services d’intermédiation en ligne ne peuvent être exemptées.

En effet, bien que cela puisse paraître discutable si elles indiquent clairement aux utilisateurs la qualité en laquelle elles interviennent, ces plateformes sont assimilées à des fournisseurs au sens du règlement. Concrètement, l’accord vertical conclu entre un fournisseur et un distributeur ne pourra donc être exempté si le fournisseur vend également ses produits sur la plateforme d’intermédiation de ce distributeur.

En outre, la qualification de fournisseur des plateformes exclut qu’elles puissent agir comme agent des vendeurs recourant à leurs services d’intermédiation et également qu’elles imposent un prix de revente pour les transactions qu’elles facilitent.

De même, sont expressément exclues du bénéfice de l’exemption les clauses de parité stipulées au bénéfice des plateformes vis-à-vis de leurs concurrents lorsque les services ou biens sont vendus aux utilisateurs finals. Suspicion donc sur les clauses ou les pratiques par lesquelles une plateforme s’assure de proposer des conditions de vente au détail au moins aussi favorables que ses concurrents : elles feront l’objet d’une appréciation au cas par cas et le reste de l’accord ne bénéficiera de l’exemption que si la clause n’en est pas indissociable. En revanche, les clauses de parité restreintes (affectant les ventes directes) ainsi que celles concernant les ventes en gros restent couvertes par le règlement d’exemption dès lors que l’accord vertical entre dans son champ. Le projet de lignes directrices pose de plus une grille d’analyse détaillée de ces obligations de parité.

  • Restrictions aux ventes en ligne : approche actuelle et pragmatique

S’ils stigmatisent toujours les pratiques qui ont pour objet de restreindre l’utilisation effective d’internet comme canal de distribution et qui sont donc exclues du bénéfice de l’exemption conformément à l’article 4. b, c et d, les projets soumis à consultation reconnaissent désormais certaines comme n’ayant pas nécessairement un objet anticoncurrentiel.

Dans cette recherche d’équilibre, la Commission qualifie de nouvelles restrictions par objet. En particulier les interdictions générales d’utiliser tout un canal de la publicité en ligne (comparateurs de prix ou moteurs de recherche) sont considérées comme des restrictions caractérisées. La Commission rappelle toutefois que des exigences de qualité des publicités et de leurs supports restent admises. Elle consacre aussi de plus amples développements aux restrictions touchant les comparateurs de prix qu’elle assimile à des restrictions aux ventes passives lorsque ces outils ne sont pas utilisés pour cibler une clientèle ou un territoire.

Mais elle libère quelque peu la politique commerciale des fournisseurs, se fondant sur la pratique décisionnelle et le constat que le secteur de la vente en ligne est aujourd’hui performant. Sauf identification en pratique d’un objet anticoncurrentiel, sont donc désormais protégées par le règlement :

  • les interdictions des ventes sur les places de marché en ligne, quel que soit le mode de distribution. Si l’exemption par catégorie n’est pas applicable en raison par exemple du franchissement des seuils de parts de marché, les justifications de la restriction, en particulier les critères de qualité invoqués, seront analysés au cas par cas. Attention, si la marketplace permet la création d’un magasin dédié à la marque, ces justifications risquent de ne pas être jugées suffisantes.
  • l’application de prix de gros différenciés selon que les ventes sont réalisées en ligne ou hors ligne à condition qu’une corrélation puisse être établie entre ces différences et les coûts et investissements associés à chaque canal de distribution. Il importe ainsi de s’assurer que les différences pratiquées ne ruinent pas la profitabilité du canal Internet.
  • la fixation de critères sélectifs distincts pour les ventes en ligne et hors ligne dans la mesure où les deux canaux sont foncièrement différents.
  • Attention aux agents doubles !

Les lignes directrices abordent avec une méfiance certaine les schémas dans lesquels un fournisseur confie la distribution de ses produits à une même entreprise qui agit pour lui à la fois comme distributeur indépendant et agent commercial.

Dans l’hypothèse où les mêmes produits ou des produits proches seraient distribués simultanément selon ces deux schémas, la Commission souligne le risque d’atteinte à la liberté du distributeur de fixer sa propre politique commerciale et insiste sur la difficulté à distinguer les investissements que doit supporter le distributeur et ceux que le mandant doit prendre en charge. Ces développements sonnent peut-être le glas de ces schémas.

  • Imposition des prix de vente

Le projet ne contient aucune avancée sur la tolérance des prix imposés et comporte en revanche des développements rappelant à la prudence sur l’utilisation des logiciels de suivi des prix qui augmentent la transparence sur le marché.

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