Loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 « DDADUE »

Synthèse des dispositions de droit de la consommation et de la concurrence

Cette loi importante transpose des textes communautaires dans des domaines divers : protection des consommateurs, relations commerciales et concurrence, fiscalité, finances, audiovisuel, télécom, etc…

Le propos est ici de donner un aperçu des principales dispositions de droit économique qui sont d’ores et déjà applicables.

  1. Volet droit de la consommation

Les interdictions de géo blocage deviennent effectives (art.3&4) : 75 000 € d’amende administrative par manquement pour les personnes morales.

Le règlement « géoblocking » (2018/302) était entré en vigueur le 3 décembre 2018. Ses dispositions ne faisaient pas encore l’objet de sanctions spécifiques en droit français, quand bien même ce type de pratiques pouvait être sanctionné sur le fondement de l’interdiction des pratiques anticoncurrentielles (voir en particulier la lourde sanction infligée à Guess le 17 décembre 2018).

En deux mots, ce texte vise à permettre aux consommateurs de bénéficier de façon effective des services proposés sur Internet dans l’ensemble des Etats membres de l’U.E. Pour y parvenir, il interdit les pratiques d’opérateurs visant à cloisonner artificiellement l’activité de leurs sites nationaux.

Par exemple, il interdit de rediriger les consommateurs vers le site de leur résidence sans leur consentement, de leur appliquer des conditions de vente ou de paiement différentes de celles en vigueur sur le site consulté et cela en raison de leur lieu de résidence.

Bien entendu, le texte n’interdit pas de pratiquer des conditions différentes sur ses différents sites, ni d’appliquer des conditions différenciées si elles sont justifiées par des éléments objectifs.

Dispositif renforcé de lutte contre les contenus illicites en ligne (art.5&6) : 1 250 000€ d’amende pour les opérateurs personnes morales ne donnant pas suite aux réquisitions des autorités visant la suppression ou la restriction des voies d’accès aux contenus manifestement illicites (+ 1 an d’emprisonnement).

Parmi les réquisitions visées, on trouvera celle visant à obliger les plateformes en ligne à poster un message d’avertissement sur les risques liés à la fréquentation de certains sites. Pour les infractions les plus graves, parmi lesquelles tromperie et pratiques commerciales déloyales, en fonction de leurs destinataires, les réquisitions peuvent imposer le déréférencement des sites litigieux, la limitation des accès, le blocage ou la suppression du nom de domaine. 

À venir :

  • Dans 10 mois au plus : Ordonnances transposant les directives fournitures de contenus et services numériques (2029/770) et contrats ventes de biens (2019/771).

NB : certaines de leurs dispositions sont déjà transposées par la Loi économie circulaire (2020-105).

  • Dans 14 mois au plus: Ordonnance transposant la directive « omnibus » (2019/2161).

NB : cette directive prévoit notamment un ensemble de critères, proches de ceux utilisés pour la fixation des amendes de concurrence, et un niveau plancher (4% du chiffre d’affaires dans le ou les Etats membres concernés) pour fixer la sanction de certaines infractions au droit de la consommation. Parmi elles se trouve notamment l’interdiction des clauses abusives les plus critiques dont la sanction était jusqu’à aujourd’hui relativement « clémente » en France.  

  1. Volet pratiques restrictives de concurrence (art.9)

Injonctions assorties d’astreintes en matière de pratiques restrictives de concurrence : les autorités de contrôle pourront désormais assortir d’astreintes journalières leurs injonctions telles que celles visant la cessation des pratiques constitutives d’avantages sans contrepartie, de déséquilibres significatifs, voire la reprise de relations commerciales à la suite d’un déréférencement.

Le montant de l’astreinte devra être proportionné à la gravité du manquement et à l’importance du dommage causé. Le texte fixe deux plafonds : un journalier de 0,1% du chiffre d’affaires mondial hors taxes réalisé au cours du dernier exercice clos et un total de 1% de ce même chiffre d’affaires. Motivées, les mesures d’astreinte pourront faire l’objet de recours devant les juridictions administratives, au fond ou en référé.

De nouvelles pratiques restrictives de concurrence : le non-respect du règlement loyauté et transparence des plateformes d’intermédiation en ligne (2019/1150) tombe sous le coup des pratiques restrictives de concurrence. Cette transposition expose donc les plateformes contrevenantes à des amendes civiles pouvant aller jusqu’à 5 millions d’euros ou le triple des avantages indument perçus ou 5% du chiffre d’affaires du contrevenant. De plus, les autorités pourront enjoindre aux plateformes enfreignant le règlement de mettre un terme aux pratiques ou de supprimer les clauses illicites de leurs conditions. Ces astreintes sont assorties de mesures de publication dans les cas les plus graves.

Enfin, par son volet financier (art. 18), la loi répute nulles les clauses visant à interdire au cocontractant la mobilisation des créances détenues sur le bénéficiaire de la clause.

On rappellera par ailleurs que la loi dite « ASAP » du 7 décembre 2020 (2020/1525) a pour sa part rétabli la pratique restrictive consistant en l’application de pénalités disproportionnées, des retours ou refus de marchandises ou déduction d’office de pénalités.

À venir dans 7 mois au plus : Ordonnance transposant la directive relative aux pratiques commerciales déloyales entre entreprises au sein de la chaine d’approvisionnement agricole et alimentaire (2019/633).

  1. Volet droit de la concurrence (art.37)

Une nouvelle pratique anticoncurrentielle : la loi interdit désormais aux importateurs bénéficiant d’une exclusivité d’importation de fait en outre-mer de pratiquer des conditions discriminatoires sur la revente des produits concernés par cette exclusivité. Ce dispositif vient corriger une certaine inefficacité de la loi Lurel (2012/1270) car, en pratique, les accords d’exclusivité qu’elle avait interdits sont le plus souvent tacites et, par conséquent, difficiles à prouver.

À venir dans 6 mois au plus : Ordonnance transposant la directive dite ECN+ (2019/1).

NB : cette directive harmonise les prérogatives des autorités de concurrence nationales et renforce l’efficacité des enquêtes et procédures en la matière. Notamment, l’Autorité de la concurrence pourra bénéficier du principe « d’opportunité des poursuites » et pourra rejeter toute plainte qu’elle considère comme non prioritaire. Elle aura également la faculté de s’auto-saisir afin d’imposer des mesures conservatoires, ainsi que de prononcer des mesures correctives structurelles ou comportementales à l’égard des entreprises dans le cadre de contentieux relatif à des pratiques anticoncurrentielles.

NB : on notera que la nouvelle loi comporte d’ores et déjà des mesures visant à renforcer l’efficacité de l’action de l’Autorité de la concurrence et des agents de la DGCCRF, en lien avec la transposition à venir de la directive ECN+.

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